Par une belle après midi de l’été 2003, l’une de mes filles, 4 ans 1/2, s’est mise à jouer avec le sac à main d’une dame et à farfouiller à l’intérieur. C’était au pied d’un banc de messe, au mariage d’un cousin. Dès que je m’en suis aperçue je me suis penchée pour l’en empêcher mais, non, la dame a retenu mon bras : « c’est normal à cet âge là de suivre l’élan de sa curiosité, laissez la faire.. » a t elle murmuré.
J’ai été profondément touchée par cette bienveillance à l’égard de mon enfant et j’ai redoublé de ferveur dans les chants, attentive à l’harmonie formée par nos voix.
Un peu plus tard nous nous sommes retrouvées avec cette femme, au même endroit du parc où se donnait la réception, nous étions les deux seules à ne pas avoir quitté des yeux les arabesques de plus en plus lointaines que formaient les ballons qui avaient été lâchés quelques instants plus tôt. C’est alors qu’elle m’a parlé de ma voix, que j’avais belle malgré un manque de verticalité qui l’étonnait. Elle avait quelqu’un à me présenter qui pourrait beaucoup m’apporter. « Un cours avec lui c’est un an de taï-chi » a t elle affirmé avec conviction. Elle m’a ensuite préparée à la rencontre, craignant que je me laisse rebuter par l’apparence du personnage, pieds nus, hors normes, hors temps. J’ai aussi obtenu le numéro de Micheline, chez qui Hors Humain donnait ses cours afin de sentir où je mettais les pieds et si possible éviter de me retrouver sous l’emprise d’un gourou.
Hors humain un gourou ? Quelle blague ! Il est si éloigné du politiquement correct, lucide, affuté dans ses paroles et pote avec l’inconscient (le sien et le collectif), que pour tenir sur la durée en sa présence, il faut traverser les surfaces (la sienne et la nôtre), s’amarrer à ce qu’on ressent de son être et se concentrer sur les découvertes inouïes en souffle, en fluide, en impulsion, arythmie, gestes protecteurs fondamentaux de ce monstre car c’est ainsi qu’il aime à se faire appeler.
Un monstre qui a traversé par trois fois la mort au Groenland, un monstre devant lequel on n’a pas le choix que de se mettre en mouvement ou de fuir (et ainsi continuer à se fuir soi-même comme la majorité de nos contemporains), un monstre parce qu’il s’extrait du théâtre humain où nous tenons tous notre rôle avec son cortège de reniements.
Ce qu’il donne c’est de l’or pur dans l’invisible, il ouvre un espace de vitalité et de protection à ceux qui ont accepté de se dépouiller de leurs carcans pour risquer l’aventure, danse initiatique de souffles électrifiés qui savent unir en soi la transcendance et l’immanence.
Quand la mort devient une amie on ne peut plus mourir.